Guyane 2019-2020

©Ludovic SALOMON/BIOTOPE/Parc amazonien de Guyane-Village de Trois-Sauts (Yawalou)

La 5ème édition de Piles solidaires a réuni près de 1 600 écoles et collèges sur tout le territoire. L’objectif était d’électrifier l’école de Trois-Sauts, située dans la commune de Camopi, au cœur du Parc Amazonien en Guyane.

 

Malgré les conditions difficiles – faible niveau du fleuve, problème moteur et confinement de la commune en raison d’une recrudescence importante du Covid-19 sur place – l’association Kwala Faya a accompli sa mission avec quelques mois de retard ! L’école de Zidok dispose désormais d’une installation électrique grâce à de nouveaux panneaux solaires.

La mission

La 5ème édition de Piles solidaires a lieu en Guyane. Il s’agit d’un contexte différent des précédentes opérations qui avaient lieu dans des pays hors France métropolitaine et territoires d’outre-mer.

Le poids des piles et petites batteries collectées par les élèves a été converti en dons pour électrifier l’école de Trois-Sauts, située dans la commune de Camopi, avec l’installation de panneaux solaires.

Electriciens sans frontières (ESF) interviendra sur place via l’association Kwala Faya.

Nous avons rencontré ESF et Kwala Faya, qui vous en disent plus sur le projet.  

Jean-Pierre CERDAN, Secrétaire général d'ESF

Le lancement d’une 5e édition de Piles solidaires souligne la réussite du partenariat entre ESF et Screlec et de la mise en place de projets solidaires. Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix de l’opération et sur le contexte de cette édition 2019 – 2020 ? 

©Photo ESF – Jean-Pierre CERDAN, Secrétaire général d’Electriciens sans frontières

L’opération Piles Solidaires, menée par Screlec et Electriciens sans frontières, a récemment permis de soutenir la réalisation de projets d’électrification au Maroc, au Népal et en République du Congo.

Pour l’année 2019/2020, la Collectivité Territoriale de Guyane a proposé que l’opération bénéficie à des sites isolés sur son territoire. Les interventions d’Electriciens sans frontières sur le territoire français sont rares mais possibles : par exemple, durant l’automne 2017 notre ONG était intervenue sur l’île de Saint-Martin, ravagée par la tempête Irma, afin de sécuriser les installations électriques de bâtiments publics, d’électrifier des centres d’hébergement et de distribuer des lampes solaires.

Avec notre partenaire local, l’association Kwala Faya, nous avons identifié une école guyanaise qui ne dispose pas d’électricité : située dans le village de Zidok, au sein de la vaste commune de Camopi, l’école avait été équipée d’une installation électrique qui n’a pas pu être entretenue et est donc tombée à l’abandon.

Le projet consiste donc à démanteler ce qui reste de l’ancienne installation électrique (qui ne peut pas être réparée), à mettre en place une installation électrique neuve (composée de panneaux photovoltaïques et de batteries), et à former des intervenants locaux, qui seront ensuite chargés de maintenir l’installation électrique en état de fonctionnement.

Quelle est la position d’ESF par rapport à Electricité de France (EDF) sur ce projet ? 

Comme lors de son intervention à Saint-Martin en 2017, ESF intervient en bonne coordination avec EDF, qui est en charge de la gestion de la production, de l’acheminement et de la fourniture d’électricité sur l’ensemble du territoire guyanais. Des échanges avec le directeur d’EDF Guyane ont donc été établis dès le début de la préparation du projet.

Aujourd’hui, huit communes guyanaises sont trop isolées pour être raccordées au réseau électrique du littoral, ce qui conduit les collectivités à y déployer des systèmes électriques autonomes avec l’appui d’EDF. À titre d’exemple, la commune de Saint-Georges de l’Oyapock bénéficie d’un tel système et sera bientôt principalement alimentée à partir d’énergies renouvelables, grâce à la rénovation en cours de la centrale hydraulique de Saut Maripa et à la mise en service d’une centrale biomasse prévue pour 2020.

Cependant, ces communes peuvent être extrêmement vastes, avec un habitat très dispersé : la commune de Camopi couvre plus de 10 000 km², ce qui est plus étendu que le plus grand des départements de métropole ! De nombreux villages isolés (appelés « écarts » ou « campoux », dont le nombre est estimé à environ 1200 – dont le village de Zidok) n’ont pas encore fait l’objet d’une politique d’électrification. Une réflexion a été entamée par EDF, l’État, la Collectivité Territoriale de Guyane et les communes concernées pour que ces zones éloignées soient électrifiées d’ici 2022 : en attendant la décision formelle des pouvoirs publics puis la réalisation des opérations prévues, ESF et Kwala Faya peuvent intervenir ponctuellement pour apporter de l’électricité aux villages isolés.

En outre, le projet conduit par ESF nécessite de rénover les installations intérieures de l’école, pour éviter les risques électriques, ce qui ne relève pas directement de la compétence d’EDF.

Pourquoi le choix de l’association Kwala Faya comme acteur opérationnel sur ce projet ? 

Fondée en 2011, l’association Kwala Faya est un acteur reconnu de l’électrification rurale de sites isolés en Guyane, et elle partage les mêmes principes d’intervention qu’ESF. En particulier, elle prête une grande attention à la création d’activités pérennes dans les filières de l’électricité, en formant des intervenants locaux qui pourront entretenir et maintenir les installations photovoltaïques et s’établir comme les électriciens reconnus de leurs villages. En outre, ses interventions reposent sur des technologies solaires et comprennent toujours des actions de sensibilisation à l’utilisation rationnelle de l’énergie.

À noter que Kwala Faya est soutenue notamment par l’ADEME et la Fondation EDF, qui sont des partenaires fidèles d’ESF.

Le projet bénéficiera de la connaissance du territoire guyanais et des compétences techniques et organisationnelles de Kwala Faya : à titre exceptionnel, ESF ne dépêchera pas de bénévoles sur place, les interventions seront intégralement réalisées par Kwala Faya (ce qui permettra de limiter encore l’impact carbone de notre action !).

Anselme BROCHET, Chef de projet de KWALA FAYA

Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions de l’association KWALA FAYA en Guyane et notamment sur la zone de Camopi, zone du projet 2019-2020 ?

©Photo Kwala Faya-L’équipe Kwala Faya

Il existe 35 installations sur le territoire guyanais, avec une faible durée de vie pour certaines. Kwala Faya récupère tout ce qui est existant pour la mise en place de son intervention et forme la population locale à l’entretien des installations électriques.

  • Depuis 2017, dans la commune de Camopi, environ 30 personnes ont été formées à l’électrification des particuliers avec du matériel neuf. Il s’agit d’un programme pour la télécommunication entre individus.
  • Un programme d’électrification a également mis en place sur le Maroni ouest avec une population amérindienne.

Un pôle de techniciens se développe de plus en plus sur l’ensemble du territoire, ce qui est pratique pour le moindre souci électrique relevé (installation, changement de batterie etc.). Kwala Faya est connue par les individus et référent dans le domaine, que ce soit pour des petits travaux en autonomie ou par téléphone.

 

Pourquoi cette mission à l’école de Trois-Sauts ? Quelles ont été les motivations pour intervenir là-bas ?

©Photo Kwala Faya-Carte de la Guyane

Avant chaque projet il y a une consultation des populations. Nous travaillons ensemble avec leur accord et avançons dans leur intérêt avant tout. Il s’agit de populations qui sont autochtones, habitants en zones reculées. Elles connaissent l’électricité mais souhaitent rester dans leur village tout en ayant accès au confort qui vient du littoral. Nos interventions viennent combler le manque d’autres institutions, dû à la particularité du territoire.

Le village de Trois-Sauts est composé de 600 à 700 habitants. Il fait partie de la commune de Camopi, composé de 1200 à 1300 habitants, qui dispose d’un réseau électrique déjà existant. Il y a 3 écoles dans le village de Trois-Sauts. Nous avons choisi l’école de Zidok pour des raisons techniques et l’intervention y est plus simple, contrairement à une autre école en zone inondable. Il y a actuellement 5 classes sans électricité et 96 enfants étaient inscrits en 2017-2018 de la maternelle au CM2. Le nombre d’élèves par classe varie en fonction du nombre d’instituteurs présents sur place.

Quelles sont les conditions de santé et de vie dans la commune de Camopi ?

©Aurélien BRUSINI/Parc amazonien de Guyane-Bienvenue à Camopi

Il y a un confort de base assez rudimentaire. Les habitants ont une vie assez simple. Ils vivent de “l’abattis” qui est la forme d’agriculture la plus pratiquée en Guyane et ont un mode de vie vivrier (culture, chasse et pêche). La population est semi-nomade. Elle change souvent d’endroits mais commence de plus en plus à se sédentariser. En effet, les modes de vie et les conditions de vie changent en raison du développement des services publics, de dispensaire … La population est de plus en plus grandissante en zone de pêche et a de plus en plus besoin de moyens de conservation et de transport.

Au niveau des soins, Camopi dispose d’1 dispensaire tout comme le village de Trois-Sauts. Les infirmiers et médecins dispensent les soins quotidiens et les 1ers soins de secours. En fonction de l’urgence, la pirogue et l’hélicoptère peuvent être utilisés. Par exemple, 1 mois avant l’accouchement les femmes sont rapatriées automatiquement à Cayenne, afin d’éviter tout risque.

Il existe un risque au niveau sanitaire au village de Trois-Sauts, et une contamination des eaux du fleuve qui remonte ensuite vers les populations plus aisées de Camopi.

Les conditions de vie n’ont rien à voir avec celles de Cayenne, sur le littoral de la Guyane, qui sont similaires à celles de la métropole.

Quels sont les objectifs de la mission ?

©Guillaume FUILLET/Parc amazonien de Guyane-Bourg de Camopi

L’objectif principal est d’apporter l’électricité dans l’école afin :

  • d’améliorer les conditions d’enseignement pour les professeurs et élèves. Il sera plus facile de venir enseigner pour les professeurs qui pourront utiliser des vidéos rétroprojecteurs et imprimer leurs cours
  • d’améliorer l’éclairage des classes en saison des pluies / quand il fait sombre et / ou nuit
  • d’utiliser les salles pour les enseignants, la mairie, les associations qui souhaitent faire des ateliers pour l’utilisation d’internet par exemple (demande d’une salle avec électricité)

Quelles sont les différentes étapes de la mission ?

©Claudia BERTHIER/Parc amazonien de Guyane-Pirogue Transport scolaire à Camopi

1- Janvier 2019 : L’étape préliminaire avec la réalisation du dossier par Kwala Faya et ESF = Proposition d’un projet d’électrification de l’école de Trois-Sauts

2- Prévoir tout le matériel à emmener en fonction des 2 saisons des pluies (petite en janvier-février et grande en avril-juillet)

3- Construction d’un local technique avant l’électrification via l’aide d’une association locale de charpente existante

4- Février 2020 : Mission sur le terrain – Chantier d’une semaine avec une dizaine de techniciens présents – Formation à l’électricité générale via un formateur spécialisé

 

Quel sera l’impact direct à la suite de la mission réalisée ? 

L’impact sera immédiat sur l’ensemble des populations locales : activités scolaires, associatives, culturelles, mais aussi sur l’ensemble des personnes qui se rendent sur le territoire et qui ont besoin d’une connexion internet. A l’heure actuelle, seulement l’annexe de la mairie et le Parc Amazonien de Guyane disposent d’une salle avec l’accès à internet.